ENCRE DE FEMME
POÈMES / POEMAS
Tradulits de l´espagnol (Paraguay)
et préfacés par Claude Couffon
Poesías de
POÈMES / POEMAS
Tradulits de l´espagnol (Paraguay)
et préfacés par Claude Couffon
Poesías de
LOURDES ESPÍNOLA
(Enlace a datos biográficos y obras
(Enlace a datos biográficos y obras
en la GALERÍA DE LETRAS del
www.portalguarani.com )
www.portalguarani.com )
Catalogue Electre-Bibliographie
Espínola Lourdes.
Encre de Femme. Trad. de l'espagnol (Paraguay)
Espínola Lourdes.
Encre de Femme. Trad. de l'espagnol (Paraguay)
et préfacés par Claude Couffon.
Paris : Indigo & Côté-femmes, 1997
En bandeau : Lourdes Espínola.
Photo d'Adelaide De Chatellus.
© INDIGO & Côté-femmes éditions
4, rue de la Petite-Pierre
75011 Paris
Dépôt légal, 2e trimestre 1997.
ISBN 2-911571-16-9
Paris : Indigo & Côté-femmes, 1997
En bandeau : Lourdes Espínola.
Photo d'Adelaide De Chatellus.
© INDIGO & Côté-femmes éditions
4, rue de la Petite-Pierre
75011 Paris
Dépôt légal, 2e trimestre 1997.
ISBN 2-911571-16-9
.
LOURDES ESPÍNOLA est paraguayenne. Née le 9 février 1954 à Asuncion, elle vit et travaille dans cette ville. Son oeuvre, chaleureusement commentée par ses compatriotes Augusto Roa Bastos et Rubén Bareiro Saguier, comprend à ce jour sept volumes et a été traduite en plusieurs langues.
Dans son premier recueil, Vision de l'Archange au seuil de onze portes, publié en 1973, á dix-neuf ans, Lourdes Espínola laissait transparaître encore les échos de son éducation au sein d'une famille bourgeoise, religieuse et conservatrice. Après deux livres de transition, Monocorde jaune (1976) et Créneaux silencieux (1978), les recueils qui suivirent révélèrent un processus de libération, notamment au niveau du corps. En rejetant les tabous sociaux et familiaux, le poète entendait «parler vrai», c'est-à-dire exprimer en toute liberté ses sensations les plus intimes.
L'adolescente devenue femme comprenait, notamment dans l'expérience amoureuse, qu'elle n'était plus, comete le voulait la tradition séculaire machiste, le simple réceptacle du désir de l'homme, l´objet le suscitant et recevant avec plus ou moins de bonheur l´effet produit. Non, la femme moderne était désormais l´égale sexuelle de l'homme. Elle n'était plus un élément passif mais actif, et participait pleinement dans sa différence à la merveilleuse quête du plaisir; elle pouvait même en être «la génératrice».
En publiant aux Etats-Unis “Etre femme et autres infortunes” (1985), Lourdes Espínola précisa ses intentions. Depuis son apparition en littérature, l'érotisme, avec Sade et tant d'autres, était un domaine réservé à l'homme, auquel. il inspirait délires, fantasmes et théories. La femme d'aujourd'hui contestait cette exclusivité et réclamait le droit à la parole. Son corps était en fait un creuset de sensations jamais analysées, qu'elle seule avait le pouvoir d'exprimer et notamment de traduire en poésie. «Le corps de la femme est un espace peu contaminé par la culture patriarcale», affirmait-elle. L´érotisme était pour André Pieyre de Mandiargues «le principal moteur de la littérature» mais à quelques rares exceptions près-comme Renée Vivien ou Alfonsina Storni - il n'avait guère inspiré la poésie féminine. La femme qui prend possession de son corps, qui l'explore dans son intimité la plus sensuelle avec la vie, y compris dans un érotisme parfois solitaire, telle est l'action poétique entreprise avec talent par Lourdes Espínola.
Les poèmes que nous traduisons appartiennent à ses derniers livres : Tympan et silence (1986), Départs et retours (1990) et La stratégie de l'escargot (1995). Outre la recherche intime que nous avons brièvement tenté de définir, on y découvrira la volonté - elle aussi nouvelle - de s'exprimer dans un langage entièrement lié à l'univers féminin.
Laissons pour finir la parole à Lourdes Espínola : «je n'adhère pas comme écrivain à certains groupes féministes qui ont un petit air pleurnichard», nous écrit-elle. «J'assume l'écriture comme un acte de combat, une bataille en tant que création, production opposées au rôle pseudo-biologique (en réalité culturel) de la femme-mère-reproductrice. L'écrivain rompt ainsi le schéma imposé par la société patriarcale et son histoire, en ne se prêtant pas au jeu.»
Claude COUFFON
POÈMES/ POEMAS
NACER MUJER-POETA
La alternativa:
Saltar del balcón; despedazarlo.
Faldas, abanico, hilo, aguja:
me desnudo y rebelo.
¡Basta de mirar la vida
desde este balcón!
Cárcel semicircular
tímpano sordo, sorda boca
grito y digo
del solitario oficio de escribir.
Manuscrito de internas visiones
espejos de mujer abriéndose.
Nazco
rompiendo venenosos manantiales.
NAÎTRE FEMME-POÈTE
L'alternative:
Sauter du balcon ou le faire voler en éclats.
Jupes, éventail, aiguille et fil:
je me mets nue et me rebiffe.
Au diable regarder la vie
de mon balcon!
Prison en demi-cercle,
oreille sourde, bouche sourde
je críe et parle
de ce métier solitaire de l'écriture.
Manuscrit de visions intérieures
miroirs d'une femme qui s'ouvre.
Je nais
crevant des sources de poison.
DELMIRA
Contradicción o ser mujer
es todo uno,
arder
fingir pudor
callar, cantar
adorar el propio cuerpo
engalanarlo con trajes
potes, perfumes, y artificios
todo envuelto en la pretendida modestia.
Y estar
con la medida exacta,
la mirada virginal
de ojos sonrientes
pero anhelando
la larga caricia
que desate los corceles
del deseo expertamente reprimido.
DELMIRA
Être femme ou contradiction
ça ne fait qu'un,
s'enflammer
jouer la pudique
se taire, chanter
adorer son corps
le parer de vétements
de crèmes, de parfums et d'artifices
le tout enveloppé de fausse modestie.
Et être
vraiment bon chic bon genre,
avec deux yeux souriants
au regard virginal
mais assoiffée
de cette longue caresse
qui libérera les chevaux
du désir réprimé avec maîtrise.
*Delmira Agustini. Poétesse intimiste uruguayenne qui mourut assassinée par son mari, après une vie matrimoniale des plus infortunées (1890-1914) (N. du T.)
SOLEDAD
Con olor a mis poros,
cómoda te acuestas
sobre el largo corredor de mi pecho.
Huérfana sin mí,
recorres mis entrañas,
reconoces tu viejo territorio.
Escorpión mordido
por su propio veneno
me veo retorcer
en tu final sonrisa.
SOLITUDE
Avec le parfum de mes pores
bien à ton aise tu te couches
sur le long couloir de mes seins.
Orpheline, sans moi-même,
tu circules dans mes entrailles
retrouvant ton vieux territoire.
Scorpion que mord
le venin de son propre dard
je me vois qui me tords
dans ton sourire victorieux.
BUSCAR TU BRÚJULA...
Buscar tu brújula,
ser copa, fruto, receptáculo,
sonido del amor
que se reúne en el agua y la tierra.
Tardías madrugadas
de tejer tu boca en mi almohada
(entre la madeja que recuerdo
y la que olvido).
Tersa despierto,
fecunda hélice perenne;
esta espiral acuática
que siempre posterga tu llamada.
Juego de tímpano y sonido
cargado de humedad y de colinas,
de lengua de deseo
o tensa honda.
Soy la tibia humedad
que no regresa,
soy el deseo que callado espera,
soy la otra que despierta al alba.
CHERCHER TA BOUSSOLE...
Chercher ta boussole,
être coupe, fruit, réceptacle,
son de l'amour
qui se rassemble dans l'eau et la terre.
Petits matins tardifs
où je tisse ta bouche sur mon oreiller
(mêlant les écheveaux du souvenir
et de l'oubli).
Je me réveille claire,
féconde hélice permanente;
aquatique spirale
différant toujours ton appel.
Jeu du tympan aves le son
chargé d'humidité et de collines,
de langue de désir
ou fronde prête pour le jet.
Je suis la tiède humidité
sans retour,
je suis le désir qui ne parle et qui attend,
je suis cette autre qui à l'aube se réveille.
«LA MUJER NO TIENE PALABRA»
LACÁN (?)
Destino de mujer
o de orificios tapados,
la boca purificada en padrenuestros
para que no diga lo que no se debe.
Agua bendita, jabón.
Una mano cubriéndole,
susurros por lo bajo:
"escribe libros".
Demasiados manuscritos esparcidos,
orificios imposible de tapar.
Soy mujer,
luego desobedezco.
«LA FEMME N'A PAS LA PAROLE»
LACAN (?)
Destin de femme
ou d'orifices bâillonnés,
la bouche purifiée à coups de Notre père
pour qu´elle ne dise pas ce qu'on ne doit pas dire.
De l'eau bénite, du savon.
Et une main lui recouvrant
ce qui lui murmure à voix basse:
«elle écrit des livres».
Mais voici trop de manuscrits éparpillés,
trop d'orifices impossibles à bâillonner.
Je suis femme,
done je désobéis.
IRÓNICO
Irónico,
cuando decidiste irte,
quedó esta marea de libros tocados por tus dedos
con olor a tu pecho y tu costumbre,
con olor a tus manos, con forma de tu voz,
con tu pausa atrapada entre sus tapas.
Aparecen en todos los rincones,
se esconden en mis sábanas,
saltan de mis cajones
y me tocan.
Me lamen cada dedo con astucia,
me susurran citas entre sueños,
sus fantasmas copulan con mi mente
venidos por orden de su dueño,
tal vez dormido
en extrañas almohadas,
de ausentes bibliotecas.
IRONIQUEMENT
Ironiquement,
quand tu as pris la décision de t'en aller,
il est resté cette marée de livres touchés par tes doigts
avec l'odeur de ta poitrine et de ton habitude,
l'odeur de tes mains,
aves la forme de ta voix,
avec tes pauses qu'emprisonnent leurs couvertures.
Ils apparaissent dans tous les coins,
se cachent dans mes draps,
sautent de mes tiroirs
et palpent ma peau.
Ils lèchent rusés chacun de mes doigts,
me murmurent des rendez-vous au milieu de mes rêves,
leurs fantômes copulent avec mon esprit,
venus sur l'ordre de leur maître
peut-être endormi
sur d'étranges oreillers
de bibliothèques absentes.
¿DÓNDE SE FUE TU VENUS...
¿Dónde se fue tu Venus
la que ponía espuma de fuegos en tus mares
y tendía celadas con sus largos cabellos,
hoy hilos de Penélope?
¿En qué mar de domesticidad
la ahogaron
para no escuchar sus rugidos de placer;
para que sólo sirva
para escribir estos poemas
que recuerden los mordidos
gemidos de esas noches,
las néctares bebidos de tu cuerpo?
OÙ S'EN EST ALLÉE TA VÉNUS...
Où s'en est allée ta Vénus,
celle qui faisait écumer de feux tes océans
et te tendait des guets-apens avec ses longs cheveux,
aujourd'hui fils de Pénélope?
Dans quelles eaux de domesticité
1'a-t-on noyée
pour ne pas l'entendre rugir de plaisir;
pour qu'elle n'ait pas d'autre utilité
que d'écrire ces poèmes
qui rappelleront les gémissements
mordus de ces nuits,
les nectars bus dans ton corps?
SOY MUJER, DESOBEDEZCO
Y serán de nuevo las palabras
de las sopranos de Babel.
Cuerdas vocales trenzadas:
los dialectos de África,
los murmullos de India,
los gemidos esquimales,
los sollozantes cantos de las Cholas.
Las oraciones de las musulmanas
y las alto de Milán...
callando todas las notas.
Acordes emergiendo,
la raza inmensa que amamanta
la simiente del sol,
desde la espera.
JE SUIS FEMME, JE DÉSOBÉIS
Et ce seront une fois encone les mots
des sopranos de Babel.
Ces condes vocales tressées:
les dialectos de l´Afrique,
les murmures de l'Inde,
les gémissements esquimaux,
les chants sanglotants des métisses.
Les prières des musulmanes
et les contraltos de Milan...
taisant toutes les notes.
Accords en émergence,
la cace immense qui allaite
la semence du soleil,
depuis l´attente.
SER MUJER
En estado de inocencia y esperando
enfrento cada día mis mañanas
un caos de horas y de calles,
sin orden aparente, ni destino.
La fragilidad del verbo no consuela,
ni el paisaje verde o el cemento,
tampoco el afecto bizantino
ni la barroca objetividad del psicoanálisis.
Los juegos, las palabras y los números
el placer, los quehaceres, los horarios
quiebran significados en un idioma extraño.
Como niña esperando la noche de Reyes
olvido la razón y tiemblo en el milagro.
Me han sacado la palabra
han huido todas las vocales a tu encuentro...
enloquecieron adjetivos
y las cuerdas vocales se tensaron
hasta dispararse cual saeta,
y no fue mía la voz
y un cosquilleo volcánico
me arrebató entera
y todos los silenciosos cánticos
que habitaban en mí...
se extendieron
hasta encontrar la pulposa,
la tibia presencia de tu mano.
ÊTRE FEMME
En état d'innocence et dans l'attente
chaque jour je fais face à mes matins
un chaos d'heures et de rues,
sans ordre apparent ni destin.
Point de consolation dans la fragilité
des mots, le paysage vert ou le ciment
ni dans l'affection byzantine
ou dans la baroque objectivité de la psychanalyse.
Jeux, paroles et chiffres
plaisir, travail, horaires
brisent leur sens dans un langage étrange.
Comme une enfant attendant le Père Noël
j´oublie la raison et je tremble devant le miracle.
On m'a arraché la parole
les voyelles au complet ont fui à ta rencontre...
l'adjectif a perdu la tête
les cordes vocales tendues
étaient des arcs lançant leur flèche,
et ma voix n´était plus la mienne,
un chatouillement volcanique
m´a déboussolée tout entière
et tous ces chants silencieux
que j'abritais en moi...
n´ont fait qu'un bond jusqu'à
la pulpeuse, la tiède
présence de ta main.
TABLE
Préface de Claude Couffon...
SER MUJER Y OTRAS DESVENTURAS/ETRE FEMME ET AUTRES INFORTUNES (1985) : Nacer mujer-poeta - Naître femme-poète / Delmira - Delmira / Soledad – Solitude / Respuesta – Réponse / Ausencia… - Absence…
TIMPANO Y SILENCIO/ TYMPAN ET SILENCE (1986): Vamos a considerar todas las cosas... - Nous allons tout considérer… / Como tierra maldita... - Comme une terre maudite... / Buscar tu brújula... - Chercher ta boussole... / Unas manos certeras... - Des mains expertes... / Cada árbol, una flauta... - Chaque arbre, une flûte...
PARTIDAS Y REGRESOS/ DÉPARTS ET RETOURS (1990) : No sabes qué se esconde... - Tu ne sais pas ce qui se cache... / Perdiéndote... - En te perdant... / «La mujer no tiene palabra»... - «La femme n'a pas la parole»... / Para caminar por tu casa... - Pour circuler chez toi... / Hay máscaras y espejos... - Il est des masques et des miroirs... / Irónico... - Ironiquement.. . / ¿Por qué serán tan difíciles las mañanas... - Pourquoi sont-ils aussi pénibles les matins... / amos a tratar... - Nous allons essayer... / Cuando aquellos dorados ángeles... - Quand ces anges dorés... / Una mujer es solamente... - Une femme c'est seulement... / ¿Dónde se fue tu Venus... - Où s'en est allée ta Vénus... / Explicación... - Explicación... / Me miro entera... - Je me regarde tout entière...
LA ESTRATEGIA DEL CARACOL / LA STATÉGIE DE L'ESCARGOT (1995) : Merlín... - Merlin… / Soy mujer, desobedezco... - Je suis femme, je désobéis... / Y ellos estaban también allí... - Et eux aussi ils étaient là... / (Aunque se te congelen las venas)... - (Même si tes veines se glacent)... / Como la danza del delfín en el océano... - Comme la danse du dauphin dans l'océan... / Ser mujer... - Être femme...
.
LOURDES ESPÍNOLA est paraguayenne. Née le 9 février 1954 à Asuncion, elle vit et travaille dans cette ville. Son oeuvre, chaleureusement commentée par ses compatriotes Augusto Roa Bastos et Rubén Bareiro Saguier, comprend à ce jour sept volumes et a été traduite en plusieurs langues.
Dans son premier recueil, Vision de l'Archange au seuil de onze portes, publié en 1973, á dix-neuf ans, Lourdes Espínola laissait transparaître encore les échos de son éducation au sein d'une famille bourgeoise, religieuse et conservatrice. Après deux livres de transition, Monocorde jaune (1976) et Créneaux silencieux (1978), les recueils qui suivirent révélèrent un processus de libération, notamment au niveau du corps. En rejetant les tabous sociaux et familiaux, le poète entendait «parler vrai», c'est-à-dire exprimer en toute liberté ses sensations les plus intimes.
L'adolescente devenue femme comprenait, notamment dans l'expérience amoureuse, qu'elle n'était plus, comete le voulait la tradition séculaire machiste, le simple réceptacle du désir de l'homme, l´objet le suscitant et recevant avec plus ou moins de bonheur l´effet produit. Non, la femme moderne était désormais l´égale sexuelle de l'homme. Elle n'était plus un élément passif mais actif, et participait pleinement dans sa différence à la merveilleuse quête du plaisir; elle pouvait même en être «la génératrice».
En publiant aux Etats-Unis “Etre femme et autres infortunes” (1985), Lourdes Espínola précisa ses intentions. Depuis son apparition en littérature, l'érotisme, avec Sade et tant d'autres, était un domaine réservé à l'homme, auquel. il inspirait délires, fantasmes et théories. La femme d'aujourd'hui contestait cette exclusivité et réclamait le droit à la parole. Son corps était en fait un creuset de sensations jamais analysées, qu'elle seule avait le pouvoir d'exprimer et notamment de traduire en poésie. «Le corps de la femme est un espace peu contaminé par la culture patriarcale», affirmait-elle. L´érotisme était pour André Pieyre de Mandiargues «le principal moteur de la littérature» mais à quelques rares exceptions près-comme Renée Vivien ou Alfonsina Storni - il n'avait guère inspiré la poésie féminine. La femme qui prend possession de son corps, qui l'explore dans son intimité la plus sensuelle avec la vie, y compris dans un érotisme parfois solitaire, telle est l'action poétique entreprise avec talent par Lourdes Espínola.
Les poèmes que nous traduisons appartiennent à ses derniers livres : Tympan et silence (1986), Départs et retours (1990) et La stratégie de l'escargot (1995). Outre la recherche intime que nous avons brièvement tenté de définir, on y découvrira la volonté - elle aussi nouvelle - de s'exprimer dans un langage entièrement lié à l'univers féminin.
Laissons pour finir la parole à Lourdes Espínola : «je n'adhère pas comme écrivain à certains groupes féministes qui ont un petit air pleurnichard», nous écrit-elle. «J'assume l'écriture comme un acte de combat, une bataille en tant que création, production opposées au rôle pseudo-biologique (en réalité culturel) de la femme-mère-reproductrice. L'écrivain rompt ainsi le schéma imposé par la société patriarcale et son histoire, en ne se prêtant pas au jeu.»
Claude COUFFON
POÈMES/ POEMAS
NACER MUJER-POETA
La alternativa:
Saltar del balcón; despedazarlo.
Faldas, abanico, hilo, aguja:
me desnudo y rebelo.
¡Basta de mirar la vida
desde este balcón!
Cárcel semicircular
tímpano sordo, sorda boca
grito y digo
del solitario oficio de escribir.
Manuscrito de internas visiones
espejos de mujer abriéndose.
Nazco
rompiendo venenosos manantiales.
NAÎTRE FEMME-POÈTE
L'alternative:
Sauter du balcon ou le faire voler en éclats.
Jupes, éventail, aiguille et fil:
je me mets nue et me rebiffe.
Au diable regarder la vie
de mon balcon!
Prison en demi-cercle,
oreille sourde, bouche sourde
je críe et parle
de ce métier solitaire de l'écriture.
Manuscrit de visions intérieures
miroirs d'une femme qui s'ouvre.
Je nais
crevant des sources de poison.
DELMIRA
Contradicción o ser mujer
es todo uno,
arder
fingir pudor
callar, cantar
adorar el propio cuerpo
engalanarlo con trajes
potes, perfumes, y artificios
todo envuelto en la pretendida modestia.
Y estar
con la medida exacta,
la mirada virginal
de ojos sonrientes
pero anhelando
la larga caricia
que desate los corceles
del deseo expertamente reprimido.
DELMIRA
Être femme ou contradiction
ça ne fait qu'un,
s'enflammer
jouer la pudique
se taire, chanter
adorer son corps
le parer de vétements
de crèmes, de parfums et d'artifices
le tout enveloppé de fausse modestie.
Et être
vraiment bon chic bon genre,
avec deux yeux souriants
au regard virginal
mais assoiffée
de cette longue caresse
qui libérera les chevaux
du désir réprimé avec maîtrise.
*Delmira Agustini. Poétesse intimiste uruguayenne qui mourut assassinée par son mari, après une vie matrimoniale des plus infortunées (1890-1914) (N. du T.)
SOLEDAD
Con olor a mis poros,
cómoda te acuestas
sobre el largo corredor de mi pecho.
Huérfana sin mí,
recorres mis entrañas,
reconoces tu viejo territorio.
Escorpión mordido
por su propio veneno
me veo retorcer
en tu final sonrisa.
SOLITUDE
Avec le parfum de mes pores
bien à ton aise tu te couches
sur le long couloir de mes seins.
Orpheline, sans moi-même,
tu circules dans mes entrailles
retrouvant ton vieux territoire.
Scorpion que mord
le venin de son propre dard
je me vois qui me tords
dans ton sourire victorieux.
BUSCAR TU BRÚJULA...
Buscar tu brújula,
ser copa, fruto, receptáculo,
sonido del amor
que se reúne en el agua y la tierra.
Tardías madrugadas
de tejer tu boca en mi almohada
(entre la madeja que recuerdo
y la que olvido).
Tersa despierto,
fecunda hélice perenne;
esta espiral acuática
que siempre posterga tu llamada.
Juego de tímpano y sonido
cargado de humedad y de colinas,
de lengua de deseo
o tensa honda.
Soy la tibia humedad
que no regresa,
soy el deseo que callado espera,
soy la otra que despierta al alba.
CHERCHER TA BOUSSOLE...
Chercher ta boussole,
être coupe, fruit, réceptacle,
son de l'amour
qui se rassemble dans l'eau et la terre.
Petits matins tardifs
où je tisse ta bouche sur mon oreiller
(mêlant les écheveaux du souvenir
et de l'oubli).
Je me réveille claire,
féconde hélice permanente;
aquatique spirale
différant toujours ton appel.
Jeu du tympan aves le son
chargé d'humidité et de collines,
de langue de désir
ou fronde prête pour le jet.
Je suis la tiède humidité
sans retour,
je suis le désir qui ne parle et qui attend,
je suis cette autre qui à l'aube se réveille.
«LA MUJER NO TIENE PALABRA»
LACÁN (?)
Destino de mujer
o de orificios tapados,
la boca purificada en padrenuestros
para que no diga lo que no se debe.
Agua bendita, jabón.
Una mano cubriéndole,
susurros por lo bajo:
"escribe libros".
Demasiados manuscritos esparcidos,
orificios imposible de tapar.
Soy mujer,
luego desobedezco.
«LA FEMME N'A PAS LA PAROLE»
LACAN (?)
Destin de femme
ou d'orifices bâillonnés,
la bouche purifiée à coups de Notre père
pour qu´elle ne dise pas ce qu'on ne doit pas dire.
De l'eau bénite, du savon.
Et une main lui recouvrant
ce qui lui murmure à voix basse:
«elle écrit des livres».
Mais voici trop de manuscrits éparpillés,
trop d'orifices impossibles à bâillonner.
Je suis femme,
done je désobéis.
IRÓNICO
Irónico,
cuando decidiste irte,
quedó esta marea de libros tocados por tus dedos
con olor a tu pecho y tu costumbre,
con olor a tus manos, con forma de tu voz,
con tu pausa atrapada entre sus tapas.
Aparecen en todos los rincones,
se esconden en mis sábanas,
saltan de mis cajones
y me tocan.
Me lamen cada dedo con astucia,
me susurran citas entre sueños,
sus fantasmas copulan con mi mente
venidos por orden de su dueño,
tal vez dormido
en extrañas almohadas,
de ausentes bibliotecas.
IRONIQUEMENT
Ironiquement,
quand tu as pris la décision de t'en aller,
il est resté cette marée de livres touchés par tes doigts
avec l'odeur de ta poitrine et de ton habitude,
l'odeur de tes mains,
aves la forme de ta voix,
avec tes pauses qu'emprisonnent leurs couvertures.
Ils apparaissent dans tous les coins,
se cachent dans mes draps,
sautent de mes tiroirs
et palpent ma peau.
Ils lèchent rusés chacun de mes doigts,
me murmurent des rendez-vous au milieu de mes rêves,
leurs fantômes copulent avec mon esprit,
venus sur l'ordre de leur maître
peut-être endormi
sur d'étranges oreillers
de bibliothèques absentes.
¿DÓNDE SE FUE TU VENUS...
¿Dónde se fue tu Venus
la que ponía espuma de fuegos en tus mares
y tendía celadas con sus largos cabellos,
hoy hilos de Penélope?
¿En qué mar de domesticidad
la ahogaron
para no escuchar sus rugidos de placer;
para que sólo sirva
para escribir estos poemas
que recuerden los mordidos
gemidos de esas noches,
las néctares bebidos de tu cuerpo?
OÙ S'EN EST ALLÉE TA VÉNUS...
Où s'en est allée ta Vénus,
celle qui faisait écumer de feux tes océans
et te tendait des guets-apens avec ses longs cheveux,
aujourd'hui fils de Pénélope?
Dans quelles eaux de domesticité
1'a-t-on noyée
pour ne pas l'entendre rugir de plaisir;
pour qu'elle n'ait pas d'autre utilité
que d'écrire ces poèmes
qui rappelleront les gémissements
mordus de ces nuits,
les nectars bus dans ton corps?
SOY MUJER, DESOBEDEZCO
Y serán de nuevo las palabras
de las sopranos de Babel.
Cuerdas vocales trenzadas:
los dialectos de África,
los murmullos de India,
los gemidos esquimales,
los sollozantes cantos de las Cholas.
Las oraciones de las musulmanas
y las alto de Milán...
callando todas las notas.
Acordes emergiendo,
la raza inmensa que amamanta
la simiente del sol,
desde la espera.
JE SUIS FEMME, JE DÉSOBÉIS
Et ce seront une fois encone les mots
des sopranos de Babel.
Ces condes vocales tressées:
les dialectos de l´Afrique,
les murmures de l'Inde,
les gémissements esquimaux,
les chants sanglotants des métisses.
Les prières des musulmanes
et les contraltos de Milan...
taisant toutes les notes.
Accords en émergence,
la cace immense qui allaite
la semence du soleil,
depuis l´attente.
SER MUJER
En estado de inocencia y esperando
enfrento cada día mis mañanas
un caos de horas y de calles,
sin orden aparente, ni destino.
La fragilidad del verbo no consuela,
ni el paisaje verde o el cemento,
tampoco el afecto bizantino
ni la barroca objetividad del psicoanálisis.
Los juegos, las palabras y los números
el placer, los quehaceres, los horarios
quiebran significados en un idioma extraño.
Como niña esperando la noche de Reyes
olvido la razón y tiemblo en el milagro.
Me han sacado la palabra
han huido todas las vocales a tu encuentro...
enloquecieron adjetivos
y las cuerdas vocales se tensaron
hasta dispararse cual saeta,
y no fue mía la voz
y un cosquilleo volcánico
me arrebató entera
y todos los silenciosos cánticos
que habitaban en mí...
se extendieron
hasta encontrar la pulposa,
la tibia presencia de tu mano.
ÊTRE FEMME
En état d'innocence et dans l'attente
chaque jour je fais face à mes matins
un chaos d'heures et de rues,
sans ordre apparent ni destin.
Point de consolation dans la fragilité
des mots, le paysage vert ou le ciment
ni dans l'affection byzantine
ou dans la baroque objectivité de la psychanalyse.
Jeux, paroles et chiffres
plaisir, travail, horaires
brisent leur sens dans un langage étrange.
Comme une enfant attendant le Père Noël
j´oublie la raison et je tremble devant le miracle.
On m'a arraché la parole
les voyelles au complet ont fui à ta rencontre...
l'adjectif a perdu la tête
les cordes vocales tendues
étaient des arcs lançant leur flèche,
et ma voix n´était plus la mienne,
un chatouillement volcanique
m´a déboussolée tout entière
et tous ces chants silencieux
que j'abritais en moi...
n´ont fait qu'un bond jusqu'à
la pulpeuse, la tiède
présence de ta main.
TABLE
Préface de Claude Couffon...
SER MUJER Y OTRAS DESVENTURAS/ETRE FEMME ET AUTRES INFORTUNES (1985) : Nacer mujer-poeta - Naître femme-poète / Delmira - Delmira / Soledad – Solitude / Respuesta – Réponse / Ausencia… - Absence…
TIMPANO Y SILENCIO/ TYMPAN ET SILENCE (1986): Vamos a considerar todas las cosas... - Nous allons tout considérer… / Como tierra maldita... - Comme une terre maudite... / Buscar tu brújula... - Chercher ta boussole... / Unas manos certeras... - Des mains expertes... / Cada árbol, una flauta... - Chaque arbre, une flûte...
PARTIDAS Y REGRESOS/ DÉPARTS ET RETOURS (1990) : No sabes qué se esconde... - Tu ne sais pas ce qui se cache... / Perdiéndote... - En te perdant... / «La mujer no tiene palabra»... - «La femme n'a pas la parole»... / Para caminar por tu casa... - Pour circuler chez toi... / Hay máscaras y espejos... - Il est des masques et des miroirs... / Irónico... - Ironiquement.. . / ¿Por qué serán tan difíciles las mañanas... - Pourquoi sont-ils aussi pénibles les matins... / amos a tratar... - Nous allons essayer... / Cuando aquellos dorados ángeles... - Quand ces anges dorés... / Una mujer es solamente... - Une femme c'est seulement... / ¿Dónde se fue tu Venus... - Où s'en est allée ta Vénus... / Explicación... - Explicación... / Me miro entera... - Je me regarde tout entière...
LA ESTRATEGIA DEL CARACOL / LA STATÉGIE DE L'ESCARGOT (1995) : Merlín... - Merlin… / Soy mujer, desobedezco... - Je suis femme, je désobéis... / Y ellos estaban también allí... - Et eux aussi ils étaient là... / (Aunque se te congelen las venas)... - (Même si tes veines se glacent)... / Como la danza del delfín en el océano... - Comme la danse du dauphin dans l'océan... / Ser mujer... - Être femme...
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